MASSE (SOCIOLOGIE DE) - Culture de masse

MASSE (SOCIOLOGIE DE) - Culture de masse
MASSE (SOCIOLOGIE DE) - Culture de masse

C’est aux États-Unis qu’ont été créés les néologismes de mass media – terme qui englobe la grande presse, le cinéma, la radio, la télévision – et de mass culture – qui embrasse la culture produite, jouée et diffusée par les mass media.

Au cours du premier demi-siècle, et singulièrement à partir des années trente, les mass media sont entrés dans le champ de préoccupations des grandes firmes qui les utilisent, de la classe politique, de l’intelligentsia, de larges secteurs de l’opinion publique, et ces multiples intérêts ont donné naissance à la branche la plus originale de la sociologie américaine, la sociologie des mass media. En effet, les entreprises de presse (radio, cinéma, télévision, publicité) sont soucieuses de connaître leur marché, c’est-à-dire leur public. L’opinion adulte s’inquiète de l’influence dangereuse du cinéma, des comics , puis de la télévision sur l’enfance et la jeunesse, ce qui suscite de grandes enquêtes à partir des années trente. La classe politique se préoccupe, au cours des années de guerre d’abord, puis à l’occasion des élections présidentielles, de la puissance d’action des mass media. Enfin, l’intelligentsia ressent très fortement, durant la première décennie de l’après-guerre, que la culture de masse peut être à la fois une menace contre ses valeurs artistiques et intellectuelles, et une source d’abêtissement ou d’aliénation pour les populations qui la subissent.

La sociologie des mass media constitue son champ disciplinaire selon la formule de Laswell: «Qui dit quoi à qui avec quel effet.» Le premier qui concerne les sources émettrices, le second le public, le quoi désigne les contenus des messages qui doivent être analysés (content analysis ). De fait, ce sont les études de public et d’effet qui sont privilégiées. Les études de public constituent de quasi-études de marchés pour les grandes firmes de cinéma, radio, télévision. Les études de l’effet produit par les mass media bénéficient des intérêts conjugués de l’opinion familiale, de l’intelligentsia et des pouvoirs publics sur l’aptitude des mass media à modifier, voire à manipuler, les populations réceptrices; c’est dans ce domaine du reste que se manifeste l’apport fécond et décisif de Paul Lazarsfeld et de ses collaborateurs. Ceux-ci démontrent que, contrairement à un mythe très répandu dans toutes les couches de la société, les effets des mass media, en matière d’opinions ou de croyances, ne sont ni directs ni contraignants; les groupes sociaux peuvent opposer une résistance très forte aux messages émis par les mass media dans le cas où ceux-ci heurtent leurs convictions ou leurs mythes fondamentaux. Dans certains cas même, le message est interprété de façon contraire à l’effet prévu, et se retourne contre celui qui l’a émis (effet boomerang). Déjà, dans les années trente, les Layne Fund Studies n’avaient pu conclure que les films de violence eussent un effet déterminant sur la délinquance juvénile. Mais qu’en est-il de l’effet culturel global des mass media sur les populations?

Les enquêtes ne pouvaient donner de réponse à cette question. En effet, la sociologie américaine, dont les méthodes se sont affirmées sur les problèmes d’opinion, ne dispose pas d’outils pour envisager des problèmes globaux de culture et de civilisation. D’autre part, elle se fixe toujours des objets parcellaires; elle conçoit la formule de Laswell comme un principe de découpage du champ scientifique, mais non comme un principe qui définit un système relationnel. En bref, il n’y a pas une sociologie ou phénoménologie des mass media, mais une juxtaposition de recherches formant agrégat.

C’est pourquoi le problème global de la culture de masse devient non pas un objet d’études, mais, y compris pour les sociologues et chercheurs, un thème de polémiques esthétiques, éthiques, culturelles, voire politiques. La polémique fait rage vers les années cinquante et constitue l’objet central des débats de l’intelligentsia aux États-Unis. Celle-ci est alors privée d’objet politique direct: il n’y a plus d’espoirs révolutionnaires chez les intellectuels qui avaient milité avant guerre dans les petites formations de gauche; il n’y a plus le grand investissement antihitlérien des années de guerre. De plus, le maccartisme provoque une grande inhibition politique. Enfin, l’intelligentsia se sent menacée dans son privilège culturel. Aussi tous les grands problèmes sont déviés sur la mass culture . Radicaux, marxisants, post-marxistes, libéraux, conservateurs tendent à voir dans la culture de masse une pseudo-culture, un kitsch , du toc. Les uns adoptent le mépris hautain de la «classe exquise» pour la barbarie, la vulgarité plébéienne, la marchandise de série et de grande consommation; les autres voient dans la culture de masse l’instrument fondamental de l’asservissement, de l’aliénation, de la manipulation du peuple américain. Mais une aile libérale, parfois post-marxiste, voit au contraire dans la diffusion de la culture de masse l’amorce d’un vaste processus de démocratisation de la culture.

En fait, il se constitue une double alliance, l’une entre l’aristocratisme culturel et un populisme culturel qui dénoncent tous deux la culture de masse comme anti-culture, l’autre entre un populisme culturel euphorique et le «business» de la mass culture. Dans la polémique qui fait rage, on peut se demander si l’aristocratisme culturel ne contamine pas secrètement les ennemis populistes de la mass culture, et si l’adhésion à l’ordre établi ne contamine pas secrètement ses partisans populistes. Rares sont les auteurs qui s’efforcent de dominer cette opposition. Parmi ceux-ci, il y a Harold Rosenberg qui écrit, dans Dissent : «L’anticoncept de kitsch est un kitsch accru. Quand MacDonald parle contre le kitsch, il semble parler du point de vue de l’art; quand il parle de l’art, ses idées sont kitsch [...]. Un des aspects de la culture de masse est la critique “kitschiste” du kitsch.»

La polémique traverse l’Atlantique vers les années soixante. Toutefois, Edgar Morin, dans l’essai qu’il consacre à la culture de masse en 1961, à la différence de la sociologie américaine qui considérait les mass media comme objet d’études et la culture de masse comme sujet de discussions, s’efforce de considérer la culture de masse comme objet sociologique fondamental.

1. La notion

Culture et masse

Il importe tout d’abord de bien situer l’expression «culture de masse», constituée par le rapprochement de deux notions extrêmement équivoques: culture et masse. Le mot culture a ici un inévitable double sens: il renvoie d’une part à la notion de culture des ethnologues et sociologues, d’autre part à la notion de culture hiérarchique et normative qui définit l’élite ou l’intelligentsia (goût esthétique, sens des valeurs «authentiques» ou «supérieures»). L’homme cultivé tend à considérer objectivement la culture de masse selon la première acception, mais tend subjectivement à la juger du point de vue de sa culture à lui. À supposer qu’il réussisse un effort d’autodistanciation pour considérer la culture de masse essentiellement en termes ethno-sociologiques, il se heurte à de nouvelles difficultés: la notion de culture est sans doute en science sociale la moins définie de toutes les notions; tantôt elle englobe tout le phénomène humain pour s’opposer à la nature, tantôt elle est le résidu où se rassemble tout ce qui n’est ni politique, ni économique, ni religieux. Certains auteurs tendent aujourd’hui à surmonter la difficulté en considérant que relève de la culture tout ce qui est chargé de sens; dès lors, la culture serait non pas tant un secteur de vie sociale qu’une dimension omniprésente dans la vie sociale. Il nous semble cependant impossible de donner une définition exhaustive de la culture. La culture se situe au carrefour même de l’intellectuel et de l’affectif, elle serait l’équivalent au point de vue social du système psycho-affectif qui structure et oriente les instincts, construit une représentation ou vision du monde, opère l’osmose entre le réel et l’imaginaire à travers symboles, mythes, normes, idéaux, idéologies. Une culture fournit des points d’appui et d’incarnation pratique à la vie imaginaire, des points d’issue et de cristallisation imaginaires à la vie pratique. C’est dans ce sens, certes vague, mais de ce fait non scolastique ou dogmatique, que nous entendons culture dans l’expression «culture de masse».

Le mot «masse» est également équivoque. Aux États-Unis, dans l’expression de mass culture, il renvoie directement au sens qu’il a dans l’expression de mass media, c’est-à-dire à l’idée de multiplication ou diffusion massive. En France, le mot «masse» évoque d’abord la masse, terme de conversation englobant à la fois l’ensemble et la moyenne de la population, et évoque ensuite les masses, terme du vocabulaire politique révolutionnaire qui a acquis les faveurs nostalgiques et ardentes d’une partie de l’intelligentsia. Entendons ici la culture de masse comme une culture produite en fonction de sa diffusion massive et tendant à s’adresser à une masse humaine, c’est-à-dire à un agglomérat d’individus considérés en dehors de leur appartenance professionnelle ou sociale.

Culture et cultures

Mais il serait insuffisant et erroné de définir la culture de masse comme celle qui émane des mass media. Ce serait oublier la situation des sociétés polyculturelles, où coexistent et entrent en conflit diverses cultures: culture scolaire, culture nationale, cultures religieuses, cultures politiques, et la «culture cultivée» bien entendu. Toutes peuvent se servir et en fait se servent diversement des mass media (émissions scolaires et universitaires, censure, discours et allocutions des chefs d’État et ministres, discussions polémiques, émissions religieuses, chaînes vouées à la haute culture, musique, théâtre et littérature, etc.). Les mass media sont donc les canaux universels des différentes cultures, à l’exception de celles qui sont condamnées à la clandestinité ou à l’underground . La culture de masse n’est donc pas une émanation quasi mécanique des mass media. C’est toutefois la culture qui s’est développée dans et par les mass media selon une dynamique historique propre à la société moderne industrielle-capitaliste-bourgeoise, à partir d’un marché ouvert par les techniques de diffusion massive où des produits culturels ont été proposés comme marchandise selon la loi de l’offre et de la demande. Ainsi, à l’origine de la notion de la culture de masse, il n’y a pas que les mass media, il y a l’entreprise capitaliste. Au cours de la première moitié du XXe siècle, aux États-Unis d’abord puis dans les pays occidentaux, s’est constitué un système culturel complexe qu’il faut concevoir à la fois selon le modèle économique classique (production, distribution, consommation) et selon un modèle paracybernétique (circuit culturel socio-dynamique, selon le schéma d’Abraham Moles). Il ne s’agit pas ici de réduire la culture de masse à un phénomène économique ou cybernétique, mais à partir de ce double schéma de mobiliser les ressources de toutes les sciences humaines en vue de comprendre une réalité multidimensionnelle qui plonge aussi bien dans l’économie que dans la psyché, dans la pratique que dans l’imaginaire. On peut ici reprendre le schéma de Laswell, mais en approfondissant chacun de ses termes et en les «dialectisant» les uns par rapport aux autres. Ainsi, si la chaîne propre à la culture de masse est bien constituée par le «qui dit quoi à qui avec quel effet», le premier qui devient l’industrie culturelle (production-création), le quoi devient la thématique culturelle elle-même, et non plus un catalogue de contenus, le second qui n’est pas seulement le public, mais l’univers de la consommation culturelle et des couches sociales qui effectuent cette consommation, l’effet devient le problème même de la fonction ou dysfonction de la culture de masse dans les sociétés modernes où elle se déploie.

2. L’industrie culturelle

Avec la culture de masse, le système de production industriel envahit le domaine des œuvres de l’esprit. Les techniques de rationalisation visant à la rentabilité et au rendement maximaux s’implantent dans les grands journaux, la production des films, les émissions de radio et de télévision. La division du travail par spécialisation des tâches répartit ce qui relevait à la fin du XIXe siècle de l’individualité souveraine de l’auteur.

Une structure ambiguë

La décomposition des tâches

Il ne s’agit pas tant du retour à la création collective anonyme, comme ce fut le cas pour les anciennes épopées, les fresques médiévales, mais d’une division technique des opérations visant à la constitution de l’œuvre. Au cinéma, Hollywood accomplit l’hyperdivision des tâches à l’époque de son apogée: l’idée originale est travaillée, en équipe ou individuellement, par scénariste, dialoguiste, voire gagman ; le découpage préétabli est confié au réalisateur ou metteur en scène; celui-ci dispose d’assistants, dirige les acteurs, coordonne le travail du chef photographe et de son équipe d’opérateurs, de l’ingénieur du son, du décorateur, de l’habilleur, du maquilleur, etc. La pellicule est confiée au chef monteur et, au cours des opérations de montage, la musique ainsi que des sons déjà archivés sont incorporés; le film terminé est souvent projeté devant des audiences tests. Dans le journalisme des grands magazines, le travail rédactionnel éclate aussi: des reportages fournissent une somme d’informations qui est mise en forme par un ou plusieurs rédacteurs, et l’article est revu par un rewriter qui lui assure un style clair, limpide, émouvant et vivant.

La standardisation

Une tendance à la standardisation joue inégalement, mais fortement, sur la nature du produit culturel: article, film, émission. Celui-ci doit répondre à certaines normes internes (quant à sa thématique, sa lisibilité, son style) et externes (il doit se mouler dans un cadre spatio-temporel préfixé: le film durera une heure trente, l’article devra comporter tant de signes, l’émission sera strictement minutée). Ainsi, les règles qui jouent dans l’industrie pour la production d’un objet de grande consommation, c’est-à-dire un objet de série, sont à l’œuvre dans l’industrie culturelle, qui est animée par la recherche du public, c’est-à-dire du bénéfice maximal. Mais la standardisation ne peut triompher absolument, car, à la différence d’un réfrigérateur, d’une voiture, d’un détergent, dont le prototype peut et doit être reproduit en série, l’œuvre culturelle doit demeurer unique d’une certaine façon, c’est-àdire se différencier d’une autre. Les sérials du cinéma et de la télévision peuvent utiliser les mêmes héros dans les films qui se succèdent, stéréotyper au maximum le récit (suspense, énigme, danger, victoire finale des bons et châtiment des méchants), mais chaque bande doit avoir un caractère original par rapport à l’autre, chaque Tarzan doit avoir son individualité. La standardisation totale ou absolue serait l’arrêt de mort de l’industrie culturelle. Celle-ci a donc vitalement besoin d’originalité, d’invention. Du même coup, chaque produit nouveau apporte son risque; ou bien, ressemblant trop aux précédents, il peut saturer l’intérêt du public et provoquer l’échec financier; ou bien, trop original, il risque de dérouter le public, entraînant le même échec. D’où une double contradiction, permanente et vitale, au sein de l’industrie culturelle, l’une qui joue au niveau économique, l’autre qui joue au niveau proprement culturel.

L’intégration

Défrichant un champ d’activité nouveau, le capitalisme initiateur de l’industrie culturelle a été un capitalisme pionnier qui affrontait de grands risques, mais en même temps courait la chance de faire d’énormes bénéfices en cas de succès. Cette rentabilité extraordinaire a provoqué l’intégration rapide de l’industrie culturelle dans le grand capitalisme financier moderne de tendance techno-bureaucratique; mais cette intégration, sauf en ce qui concerne la grande presse, n’a jamais pu être totale, étant donné la persistance et même l’accroissement des risques courus à mesure qu’augmente le prix de revient de l’œuvre (dans les années soixante, le coût des superproductions cinématographiques dépasse 10 et parfois même 20 millions de francs). Au cours de la dépression des années trente, les grands trusts de cinéma français ont fait faillite: Pathé, Gaumont – qui étaient à la fois gros producteurs, distributeurs, propriétaires de salles – se sont disloqués; le gros capital, prudent, s’est concentré sur la distribution, laissant à des petits producteurs aventureux le soin d’investir pour la production. De même à Hollywood, après la grande baisse de fréquentation cinématographique qui suivit les années cinquante, une décentralisation est opérée dans les firmes géantes, qui pour de nombreux films laissent désormais à des producteurs indépendants, plus ou moins financés ou contrôlés, le soin de la réalisation. L’industrie cinématographique révèle donc et la très grande instabilité d’un système de production culturelle qui ne peut réduire, à chaque produit nouveau, la part très grande du risque, et le maintien d’un capitalisme individualiste aventureux au sein même d’un système qui tend par ailleurs à l’intégration bancaire-industrielle-techno-bureaucratique. Par contre, la presse est soumise à un risque bien moindre, ou plutôt le risque qu’elle court est celui-là même de la concurrence; le nouveau, l’original, lui est fourni quotidiennement par les événements du monde: conflits, guerres, révolutions, changements de gouvernement, mais aussi accidents, catastrophes, faits divers, compétitions sportives, etc. Toutefois, il est dans la logique de la presse de la culture de masse de présenter chaque jour son lot d’événements sensationnels, et de pallier les défaillances du tohu-bohu planétaire en «surdramatisant», en mettant en vedette non seulement les faits qui modifient quelque chose dans l’ordre-désordre du monde, mais ceux qui vont toucher la sensibilité collective ou individuelle, en transformant les événements de vie privée en événements publics (par indiscrétion ou «vedettisation»), en transformant les acteurs ou victimes de ces événements privés en héros analogues aux héros romanesques ou en semi-divinités olympiennes; il est même un secteur de la presse de masse spécialisé dans la fabrication de pseudo-événements, qui entretiennent la geste pseudo-vécue des héros olympiens vedettes.

Radio et télévision ont un statut économique particulier par rapport au cinéma et à la presse; lorsqu’elles sont des puissances capitalistes privées, le risque est assumé, pour chaque série d’émission, par la publicité qui la finance, et les stations assument le risque global de la concurrence au sein d’un gigantesque marché. Dans le cas à la fois particulier et hybride des radios et télévisions d’État le risque est pris en charge par l’État.

De toute façon, si inégales que soient les situations dans les différentes branches de l’industrie culturelle, on voit se maintenir une dualité, à la fois coopérative et conflictuelle, entre une structure d’entreprise individualiste, pionnière et aventureuse, et une structure concentrée, rationalisée et bureaucratisée; d’où tantôt symbiose, tantôt éclatement, tantôt, et cela de plus en plus, disposition des éléments individualistes-aventureux, comme pseudopodes et appendices du grand système concentré-bureaucratique.

La relation production-création

C’est au niveau proprement culturel que joue la contradiction véritablement originale du système. On ne peut seulement parler, à ce niveau, de production au sens industriel du terme, ni de création au sens artistique ou spirituel du terme, mais de production-création. Ces deux notions s’y attirent et s’y repoussent à la fois. Il y a en fait un double qui sous le premier qui laswellien: d’une part le producteur, lequel peut être l’entrepreneur capitaliste ou l’État-patron, d’autre part le créateur. Ils coopèrent à l’œuvre commune, mais dans un conflit permanent. C’est, par exemple, la lutte du cinéaste contre les contraintes du producteur, qui veut lui imposer telle vedette à succès ou lui faire modifier son film pour qu’il soit plus «public». De son côté, le journaliste verra son article modifié, amputé, affadi pour répondre aux nécessités du journal. En fait, il y a une lutte originale au sein de l’industrie culturelle entre l’intelligentsia créatrice et le système de production lui-même. On comprend dès lors qu’à Hollywood, dans les années d’apogée, le monde des scénaristes, auteurs, réalisateurs, bien que surpayé par rapport aux autres catégories de travailleurs sociaux, ait été le siège d’une protestation quasi révolutionnaire. Plus généralement, l’intelligentsia engagée dans l’industrie culturelle réagit de façon extrêmement critique contre le système et aspire à une révolution qui permettrait à la création non plus de subir la loi de la production, mais d’imposer sa loi à la production.

La relation production-création peut donner soit des œuvres où la production domine fortement la création, c’est-à-dire où il y a prédominance de la standardisation, soit au contraire des œuvres où la création domine la production, et se rapproche par là de l’œuvre artistique ou littéraire classique, c’est-à-dire de l’œuvre d’auteur, soit encore des œuvres mixtes, à modèles fortement structurés selon les exigences de la production, mais à l’intérieur desquelles il y a une liberté du créateur. Dans ce cas, le modèle standard de production joue un peu le rôle des règles du théâtre classique ou de la rhétorique poétique, dont la contrainte soit étouffe soit étoffe l’œuvre. Ainsi le cinéma de Hollywood, au cours de sa haute époque, a produit aussi bien des films du type fortement standardisé que des films de caractère mixte. Le western fournit des serials stéréotypés, mais sa structure archétypique a permis aux grands réalisateurs américains de produire leurs chefs-d’œuvre. Depuis les années soixante, on voit que les cinémas américains ou européens produisent des films qui se distribuent très diversement entre les deux pôles production-création, et on peut noter l’émergence ou la «réémergence» marginale du film d’auteur. À la télévision, à la radio, les aspects de production ou les aspects de création prédominent selon les chaînes, ou selon les heures, les heures tardives de faible écoute étant favorables à la diffusion des œuvres d’auteur ou de recherche. Dans la grande presse périodique, la distribution se fait selon les pages et les rubriques. À côté de l’article anonyme collectif, il y a l’article original et signé d’une personnalité éminente.

La production tend à faire appel à des personnalités connues pour bénéficier de leur notoriété, et pourra leur laisser dès lors une certaine liberté d’expression. Cela joue au niveau des auteurs et aussi, de façon spécifique, au niveau des acteurs. Ainsi au cinéma, la production a senti très tôt l’utilité de surindividualiser la vedette ou star, dont la présence dans un film attirera le public. Mais, du coup, elle se trouve amenée à surpayer la vedette qui jouira, dans certaines conditions favorables, du pouvoir d’imposer les œuvres de son choix. On voit de plus en plus, dans le système actuel, des vedettes de cinéma ou du disque fonder leur propre maison de production, c’est-à-dire se transformer en créateurs-producteurs.

Ainsi le système est fondé sur l’ambivalence d’une double logique: une logique industrielle-bureaucratique-centralisatrice-capitaliste-standardisatrice-productrice et une logique individualiste-novatrice-inventive-créatrice. Cela permet de comprendre l’instabilité du système, qui se trouve en constante modification selon les accords ou conflits qui interviennent en un de ses points ou selon les rapports de forces à un moment donné; cela permet de comprendre également que le même système procrée aussi bien des «navets» que des chefs-d’œuvre.

3. La consommation culturelle

Dans nos sociétés polyculturelles, les cultures nationales et scolaires sont des cultures imposées par le système éducatif et familial. La culture de masse est une culture proposée sur le marché. Elle ne dispose d’aucun pouvoir de coercition politique ou policier. Elle fait appel au plaisir et au désir. D’où son caractère hédoniste.

La culture de masse est donc en premier lieu une culture de divertissement. Elle s’introduit dans le loisir et pour le loisir. Elle est consommée sur le mode esthétique. Cela signifie que la relation fondamentale entre le produit culturel et ses consommateurs sera à la fois détachée et participante: à la différence du fidèle qui croit en la réalité ontologique du récit sacré et de la relation mythologique, le spectateur sait qu’il est à un spectacle ; toutefois, il participera intensément à ce spectacle, et le mystère de la consommation culturelle se trouve dans cette participation. Il faut faire appel, pour comprendre le phénomène, aux notions de projection et d’identification qui commandent la vie psycho-affective. Le spectateur tend à projeter sur les héros et les situations du film des pulsions, aspirations, craintes, qui se réaliseront de façon imaginaire ; en même temps, il tend à identifier à lui les personnages qui vivent sur l’écran. Dans cet état intermédiaire entre l’état de rêve et celui de veille, la projection-identification opère une osmose temporaire entre le produit culturel et son consommateur. Que résulte-t-il de cette osmose, à partir du moment où elle devient fréquemment répétée? On ne saurait donner une réponse a priori univoque à cette question. Il faut plutôt entrevoir deux virtualités extrêmes: la consommation culturelle expulse dans l’imaginaire, c’est-à-dire hors de la vie réelle, des virtualités qui ne peuvent s’exprimer, jouant le rôle d’un rêve d’évasion; à partir de l’identification «spectatorielle», la culture de masse suscite des mimétismes et conduit à des comportements inspirés par la représentation. Ainsi, selon les cas ou les conditions, on peut concevoir que, d’un point de vue sociologique, la culture de masse soit opère une division imaginaire et constitue une fabrique de rêves, soit au contraire intègre au sein de la société des mythes et des idées-forces. En général, la culture de masse joue à la fois l’un et l’autre rôle, ce qui en fait une authentique culture, au sens ethno-sociologique du terme.

4. Les trois âges de la culture de masse

L’Olympe et le bonheur

Il y a en fait trois étapes décisives de la culture de masse. La première (19001930 env.) fait de celle-ci avant tout une culture de divertissement-évasion pour publics populaires. Elle est marquée par l’âge du cinéma muet. Celui-ci est l’héritier du roman-feuilleton du XIXe siècle, qui est lui-même l’héritier des légendes et épopées archaïques transcrites dans le cadre réaliste des grandes cités modernes. Aventures échevelées, princes-mendiants, brigands-justiciers, enfants volés, jumeaux ennemis, sosies sont un tissu merveilleux à la limite de l’onirisme. Les films comiques (slapstick comedies ) sont les héritiers directs des spectacles clownesques de cirque. Les stars du muet sont des personnages fabuleux, qui dominent le commun des mortels et sont d’une essence mythologique supérieure.

Progressivement, la culture de masse s’étend à des couches sociales toujours plus amples et tend à élargir son public à toute la société; parallèlement, aux États-Unis d’abord, puis en Europe occidentale, l’élévation du niveau de vie des masses populaires les fait accéder aux premiers stades de l’individualité bourgeoise dans le même moment où elles accèdent au loisir, c’est-à-dire à la possibilité de développer une vie privée. La culture de masse devient alors la culture de l’individu privé, se développant au même rythme que la société technicienne-urbaine-bourgeoise. Le centre actif de la culture de masse devient le cinéma parlant, flanqué de la grande presse périodique, notamment féminine, et de la radio. Les films de Hollywood exaltent la mythologie du bonheur individuel (amour-réussite-bien-être), qui se trouve euphorisée par le happy end . Alors que l’imaginaire de l’époque précédente est marqué par la prédominance du thème de la souffrance et de l’épreuve sur le thème du bonheur, le nouvel imaginaire insuffle une mythologie du bonheur qui surmonte, à la fin du film, tous les obstacles. Cette mythologie fait triompher les thèmes de la jeunesse, de la beauté, de la séduction, gages de l’amour. Grâce aux fards et cosmétiques, à la toilette, à la parure, il est loisible de devenir ou rester jeune, beau, séduisant. En même temps, la culture de masse dérive vers l’imaginaire, les pulsions aventureuses et agressives qui peuvent de moins en moins se satisfaire dans les grandes cités policées et dans la vie de plus en plus organisée et bureaucratisée.

Les stars de l’époque ont une double nature, humaine et surhumaine. Ce ne sont plus les déesses inaccessibles du muet; par mille aspects familiers, elles ressemblent au commun des mortels et se proposent comme héros-modèles de la civilisation individualiste-hédoniste; mais elles vivent en même temps à un niveau supérieur d’intensité et de qualité, elles ont une substance divine qui appelle l’adoration, elles incarnent une liberté fabuleuse que les mortels ne peuvent atteindre. Elles se trouvent au carrefour entre la vie idéale et la vie réelle et constituent la grande plaque tournante entre le réel et l’imaginaire. Ainsi la culture de masse réalise les modèles d’évasion et les modèles d’accomplissement de la civilisation bourgeoise dans sa phase ascensionnelle. Cette culture joue dès lors un rôle fonctionnel, intégrateur, au sein des sociétés occidentales. Elle est, en termes marxistes, la superstructure idéologique de la société-civilisation bourgeoise individualiste. Elle tend à détruire les anciennes cultures folkloriques du hic et du nunc , pour leur substituer un nouveau folklore généralisé. Elle est douée d’une force conquérante et se répand dans le monde. Mais, dès qu’elle quitte les sociétés qui lui ont donné naissance, elle joue un rôle différent: ce qui est réaliste et assimilable dans le cadre des sociétés économiquement développées devient rêve et évasion dans le cadre des sociétés pauvres; en même temps, cette culture de masse apporte l’image d’une vie autre, stimule les nouveaux besoins qui, ne pouvant trouver satisfaction dans ces sociétés, vont fermenter dans l’imaginaire et éventuellement faire fermenter la nouvelle revendication sociale du Tiers Monde.

La crise du bonheur

À partir de 1955, certains caractères de la culture de masse changent; on entre dans une troisième période. Le cinéma cesse d’être la clé de voûte de la culture de masse, qui perd son unité et devient polycentrique. L’industrie culturelle ne vise plus uniquement les mass media, mais devient aussi une industrie du loisir et des vacances. La mythologie euphorique de l’individu privé fait place, d’une part, à la construction d’utopies concrètes, telles que les clubs de vacances, où peuvent s’épanouir des virtualités étouffées dans la vie quotidienne urbaine vouée au travail et aux obligations, d’autre part à la problématique de la vie privée où la culture de masse pose les problèmes du couple, de la sexualité, de la solitude, etc.

En effet, les conséquences de la crise du bonheur commencent à ronger la mythologie de la culture de masse autour des années soixante. D’une part, dès 1957 apparaît dans le cinéma français une «nouvelle vague» (À bout de souffle , de Godard). La crise de fréquentation du cinéma provoque en effet une crise et un réaménagement du système de production-création-distribution. D’une part, le système essaie de se prolonger dans de gigantesques superproductions sur grand écran, avec couleur, grande mise en scène, grandes vedettes, mettant en œuvre une publicité massive. D’autre part, une fraction jeune de l’intelligentsia créatrice réussit, en s’appuyant sur l’aile aventureuse des petits producteurs ou sur le mécénat esthétique de l’État, à entreprendre des films à faible budget, sans vedettes, mais où les auteurs pourront s’exprimer de façon plus libre par rapport aux stéréotypes ou archétypes de l’industrie culturelle. Ces films rompent avec le happy end et mettent en point d’orgue non plus la réussite sociale et amoureuse, mais les difficultés de la vie sociale et amoureuse. En même temps, l’Olympe des stars, qui s’élargit aux play-boys , princes et princesses, milliardaires et héros de la dolce vita internationale, cet Olympe, qui n’a pas cessé d’être éclairé par les pleins feux des mass media, commence lui aussi à révéler une crise du bonheur. Ce sont les tourments d’Elizabeth Taylor, la tentative de suicide de Brigitte Bardot, et surtout le suicide de la super-star, image heureuse de la féminité érotique épanouie, Marilyn Monroe (1962). Parallèlement, les films d’Antonioni et de Fellini (La Dolce Vita , puis L’Avventura , La Nuit , Le Désert rouge ) popularisent la crise des riches privilégiés de la société moderne, qui mènent une vie débarrassée de la nécessité: la succession de fêtes, d’aventures amoureuses, de voyages apparaît non plus comme la réalisation du bonheur lui-même, non plus comme une vie de grandes vacances euphoriques, mais comme une vie de triste vacance, rongée par la solitude et la névrose. La crise des olympiens déséquilibre tout l’édifice idéologique de la culture de masse. Les olympiens étaient les dieux-modèles qui montraient la voie du salut. Ils deviennent l’incarnation avant-gardiste du mal qui mine l’individualisme jouisseur de la civilisation moderne. On voit apparaître les nouvelles stars, héros de l’inquiétude ou du mal de vivre (M. Brando, P. Newman). Le malheur des olympiens devient une nouvelle source de rentabilité, et toute une presse spécialisée entretient désormais les sagas larmoyantes des Soraya et autres destins voués à l’errance.

Dès lors, les problèmes du malaise, de l’inquiétude sont largement posés dans la grande presse ou à la télévision. Certes, ils sont localisés surtout sur le couple, le divorce, la contraception, les maladies, mais transforment partiellement la mythologie du bonheur en problématique du bonheur. La fonction intégratrice euphorisante de la culture de masse était essentiellement assurée par la mythologie de l’Olympe associée à celle du bonheur. La crise de l’Olympe et du bonheur perturbe cette fonction intégratrice, laquelle se transporte sur un plan nouveau: l’utopie concrète de masse remplace l’utopie olympienne.

L’utopie concrète

L’utopie concrète signifie que des îlots d’harmonie et d’épanouissement seraient aménagés dans la grande société technologique, rationalisée, moderne, où pourraient être refoulées et éliminées les contraintes pesantes de la vie quotidienne. Deux types d’îlots tendent en effet à se constituer avec les nouveaux développements de la civilisation bourgeoise moderne, et à se développer dans des couches élevées de la population: la maison, les vacances. Une vie alternée tend en effet à devenir le nouveau modèle de vie. La vie de travail continue à se faire toujours plus parcellaire, toujours plus contraignante, mutilant la personnalité sauf dans les professions de commandement ou les carrières libérales, mais, même dans ces cas, la fatigue et le surmenage des managers créent le besoin d’oasis de détente et de récupération.

La maison devient le siège d’énormes investissements psycho-affectifs et de la micro-économie personnelle. C’est le lieu où l’individu moderne veut reprendre racine: il aspire à en devenir propriétaire, non seulement pour des raisons strictement économiques, mais pour y aménager sa querencia inaliénable. Il la dote de robots esclaves électroménagers; il doit en faire un petit paradis de confort, de bien-être, de «standing», bellement décoré et aménagé. La maison est fermée sur elle-même, mais elle est ouverte sur le monde, grâce à la télévision, qui assume un nouveau lien avec le monde, réel et imaginaire; mais l’agression de celui-ci est transmuée en représentation. La voiture aussi permet de «sortir» et d’explorer l’espace extérieur, mais, là encore, c’est le spectacle de la «balade», du tourisme, qui autorise la jouissance des substances esthétiques et gastronomiques, et qui facilite la communication entre les îlots domestiques amis. Ainsi, la maison, la télévision, la voiture constituent la nouvelle triade qui aménage la micro-utopie concrète, assurent à la fois son autarcie et ses communications. C’est sur cette triade, sur ce micro-univers que se concentrent désormais les énergies pratiques de la culture de masse. La télévision, la presse, la radio y apportent non seulement les informations, les divertissements, les spectacles, mais aussi les conseils, les incitations de toutes sortes concernant l’aménagement de l’intérieur. La publicité assure la médiation entre l’industrie de grande consommation et la maison, entretient le thème obsessionnel de la vie intérieure, fondée sur le bien-être et la multiplication des objets, eux-mêmes signes, symboles et instruments du bien-être.

La problématique de la vie privée

Mais l’intérieur devient aussi le siège d’une crise larvée: crise du couple, crise de l’amour et de l’érotisme, crise de la relation parents-enfants. Aussi l’industrie culturelle diriget-elle ses pseudopodes vers une utopie plus intense, encore que provisoire, celle des loisirs, des week-ends et surtout des vacances, où elle propose de réaliser, avec tout le confort moderne, l’état de nature idyllique, libre, rousseauiste, qui est la nostalgie récurrente d’une civilisation technicienne-bourgeoise-urbaine de plus en plus éloignée des sources biologiques. Certains clubs de vacances proposent déjà à de nombreuses catégories de salariés les nouvelles îles d’Utopie, où, pour une somme modique, on sera libéré de l’univers monétaire (l’argent est banni de la micro-société vacancière et remplacé par des colliers de perles en plastique), où seront éliminées les contraintes et scories de la vie quotidienne, où seront réalisées les valeurs fraternalistes et libertaires étouffées et niées dans la vie quotidienne, où chaque individu pourra déployer ses propres aspirations, où le spectre du travail et le spectre du monde en crise seront exorcisés.

Ainsi la culture de masse se métamorphose, se «polycentrise», mais parce qu’elle correspond de plus en plus à la société qui la produit. Elle est effectivement le produit du marché où se rencontrent les puissances du capitalisme industriel moderne et de la civilisation bourgeoise. En un sens, la consommation culturelle correspond bien à ce que disait Marx: «Le producteur crée le consommateur [...]. Il ne crée pas seulement un objet pour le sujet, mais un sujet pour l’objet.» Mais, comme le remarquait implicitement Marx, le sujet, l’homme consommateur, n’est pas créé de toutes pièces par le producteur. Il est le produit d’une longue et complexe dialectique historique qui développe l’individualisme moderne dans le cadre bourgeois. En même temps que le système industriel apporte à cet individualisme l’idéologie euphorique et les spectacles d’évasion pour l’intégrer, cet individualisme, notamment par la médiation de l’intelligentsia engagée mais insatisfaite dans le cycle de production de l’industrie culturelle, pose ses problèmes et déjà ceux de sa propre crise. On voit sur le plan de la subculture adolescente, qui s’est développée depuis 1955 plus particulièrement, qu’il y a conflit dialectique entre ferments critiques ou de désintégration et les enzymes d’intégration.

La culture de masse, enfin, cesse d’être un univers clos s’opposant radicalement à la culture artistique traditionnelle. Son nouveau polycentrisme, ses dislocations partielles accélèrent le mouvement de conquête technologique qui porta une avant-garde culturelle à utiliser des moyens d’expression nouveaux comme le cinéma; l’univers des mass media cesse, du point de vue esthétique, d’être le monopole de l’industrie culturelle stricto sensu: les chaînes culturelles de la radio, l’essor de la chanson artistico-poétique (Ferré, Brassens, Brel, Barbara...), les nouveaux circuits de cinéma d’art témoignent d’une dialectique plus souple entre production et création, d’une intervention plus directe et parfois plus agressive de l’intelligentsia. Encore plus nettement qu’au début de cette analyse, il faut se garder d’identifier absolument culture de masse et mass media. La culture de masse est née certes des mass media et dans les mass media, mais pour développer une industrie capitaliste et épanouir la culture bourgeoise moderne. La culture de masse s’étend aujourd’hui hors du champ strict des mass media et enveloppe le vaste univers de la consommation, celui des loisirs, comme elle nourrit le micro-univers de l’intérieur domestique. Elle n’a jamais régné en maîtresse absolue sur les mass media, devant concéder leur part à l’État, aux cultures politique, scolaire, religieuse. Aujourd’hui, elle doit céder une partie – bien petite il est vrai – du terrain des mass media à l’intelligentsia, en concédant non seulement un secteur élitaire à la «haute culture» traditionnelle, mais aussi un secteur de métamorphoses, de recherches aux nouveaux arts audio-visuels, et peut-être un terrain de formation à ce qui pourrait devenir une «troisième culture».

Encyclopédie Universelle. 2012.

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